Je suis dehors, le vent souffle un peu plus fort. J'entends le tonnerre qui gronde au loin. Un orage se prépare. Plutôt rare si tard dans la saison. Deux personnes me traîne par les bras et une troisième marche derrière. Le sac de toile qui couvre mon visage colle à ma peau. La lourde odeur de chat mort qui y règne a cessé de m'importuner pendant le voyage dans le coffre de la voiture. C'est une pratique courante chez nous. La mafia utilise des têtes de chevaux, nous des chats. Et les têtes de chats, il faut les ranger à quelque part. Chacun ses moyens.
"Tabarnak! Arrêtez de niaiser les gars, ça pu l'criss la d'dans" entonnais-je d'un ton minable. Jouer la comédie me fait gagner beaucoup de temps depuis ce matin. "Fuck man, ferme ta yeule!" Ce lourd accent anglais appartient à D'jee. Excellent. "That's what I said to Sam when I fucked her in your car shithead." Le coup de poing au ventre m'arracha un hurlement de douleur que je ponctua d'un sourire sadique. Je m'effondrai dans leurs bras. Les deux hommes durent me traîner le reste du chemin."Ici c'est bon. Retournez-le." Ils obéirent. On obéit toujours à la voix grasse et autoritaire d'Yvan. "Pensais-tu vraiment t'en tirer G-?"
En y repensant bien, voler la coke n'était pas une si bonne idée. Les gangs de rue sont beaucoup trop paranoïaques. Et puis je n'aurais jamais pu la revendre sans me qu'on pose des questions. J'ai agis trop vite. Ce n'est plus important. "Non mais j'pensais que j'allais réussir à courir plus vite que ta graisse." "Shut the fuck up punk!" répondis D'jee. Cette fois, le coup de poing alla sur ma mâchoire et fut beaucoup plus désagréable à recevoir. Une énorme main se posa sur ma tête et arracha le sac de toile. L'air froid fouetta mon visage avec une brutalité qui me coupa le souffle. Il faisait beaucoup plus sombre que je ne l'aurais pensé. Les nuages noirs se présentèrent en grondant de nouveau. Yvan me contempla du haut de son obésité pathologique. D'jee et l'inconnu se dégagèrent de moi et allèrent à ses cotés. Mes yeux se verrouillèrent sur ceux d'Yvan. "C'est vraiment dommage d'en arriver là, t'es jeune. Je t'aimais bien." J'explosai. "Fuckin' pédophile, vieux câliss, asti de gros porc. Si tu penses que la coke est la seul chose de j'ai volé tu te met un tabarnak de doigt dans l'œil!" Je connais déjà l'issue alors aussi bien en profiter. Les deux autres retenaient leurs rires. "Ça suffit." Yvan dégaina son Glock et tira. La balle fit éclater ma rotule. D'jee s'élança immédiatement. Son cri se mélangea au miens. Il me frappa au visage et je tombai.
Dans le ravin.
Pendant ma chute, le vent me siffla ma sentence dans l'oreille alors que le ciel approuva d'un violent coup de tonnerre. Le voile blanc tomba.
Mon réveil fut soudain et brutal. Le ciel s'était éclairci. La douleur sillonnait mes nerfs d'un bout à l'autre de mon corps et fit tournoyer mes pensées jusqu'à les rendre inintelligibles. Plus rien ne répondais. Seule ma bouche parvint à communiquer mon désespoir au petit ruisseau près duquel je me trouvais. Et c'est dans cet état lamentable que j'aperçus une décapotable rouge venir s'écraser quelques mètres plus loin. Les sons discordant de la tôle qui se tord, du verre qui éclate et de la mécanique qui craque entonnèrent le thème de fermeture de ce 17ème chapitre de ma vie.
(à suivre)
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