mercredi 18 février 2009
La triste histoire de la balle glissante de Billy Baumbach
C’est que le soleil plombait ce jour là, directement sur la tête de X. Ce n’était pas un moment décisif, c’était le milieu de la quatrième manche. Son équipe menait déjà 4 à 2 et alors qu’il s’élançait lassement dans le cercle des frappeurs, attendant patiemment son tour, des bribes de souvenirs lui sont revenus. Tout ce rituel lui avait toujours plu, une présence au bâton pouvait être si longue et contemplative tout en étant un duel sans merci. Entendons-nous ici, la beauté réside dans les temps mort, les silences et les pauses, du moins au baseball.
Cette idée replongea X dans ses souvenirs d’un match de 1978 qu’il avait été voir au Fenway Park avec son père. Dans ce temps là, les Red Sox ne jouaient jamais contre les Expos, les équipes de la ligue Américaine et de la ligue Nationale ne se croisait qu’en séries mondiales. Ce fut donc une expérience plutôt bizarre pour X de s’asseoir dans les gradins d’un stade mythique qu’il ne connaissait pas pour encourager des joueurs qu’il ne connaissait pas non plus. De plus, le duel était épique, les Yankees étaient les visiteurs cet après-midi, le père de X en était d’ailleurs un des plus fervents partisan. X avait même eu honte au départ en voyant les regards pas très tendres des gens autour qui réagissaient aux encouragements du père pour la troupe ennemie. Puis, suspendu bien haut dans le ciel de juillet, ce même soleil qui surlignait tout les temps morts et les silences en les sanctifiants. X se rappelait de Billy Baumbach qui avait lancé ce jour là pour les Red Sox, il était reconnu pour sa balle glissante dévastatrice. C’était une arme redoutable qui semblait rendre le frappeur impuissant, à le forcer à étendre la batte jusqu’au bout de ses doigts en y fendant l’air. Jusqu’à la quatrième manche, tout s’était passé comme sur des roulettes pour Baumbach; quatre retraits sur des prises et beaucoup de roulants à l’avant champ. Mais cette quatrième manche allait être fatale, cette damné quatrième manche.
Louis Calhoun des Yankees avait frappé un double sur la première offrande de Baumbach, un véritable coup de tonnerre qui avait percuté de plein fouet le grand monstre vert du Fenway Park. Le père de X avait bondi de son siège aussitôt et s’était mis à crier de joie. X lui n’avait toujours pas décidé de prendre parti, ce n’était encore seulement que le début de la joute après tout, malgré cela il avait été gêné immédiatement de la réaction de son père. Puis les frappeurs se succédèrent à la batte un après l’autre. La glissante de Baumbach, ce mystère, cette force destructrice qui depuis tant de manches avait éludé les frappeurs même les plus coriaces était devenu un ballon de plage qu’on lui réexpédiait à qui mieux-mieux. Le mercure atteignait facilement les trente degrés celcius et tout les partisans dans le stade savaient pertinemment que Baumbach avait sûrement encore plus chaud qu’eux. Le père de X s’époumonait de plus en plus à encourager ses précieux Yankees, il haranguait mesquinement Baumbach. Pas que ce dernier en avait quelque chose à foutre, soyons en sûr, mais tout de même la honte ne cessait de grandir chez X. De mémoire d’enfant, il n’avait jamais eu honte de son père avant ce jour. Quand ils se rendaient au stade à Montréal voir jouer les Expos ensemble, ils misaient les deux sur le même cheval, c’était bien plus simple comme ça. Si on en voyait un mal appris qui vienne encourager les sales Phillies au stade à Montréal on le conspuait sans attendre.
Mais cet après-midi de juillet 1978, alors que les Yankees expédiaient en lieu sûr les balles jadis redoutables de Billy Baumbach, quelque chose avait changé invariablement chez X. Après 7 coups sûrs consécutifs et 5 points mérités, l’entraîneur des Red Sox Butch Malone s’était rendu lentement au monticule faisant preuve d’un calme à la limite du désintérêt, chose qu’on ne pouvait que voir au baseball. Le temps s’était arrêté dans le Fenway Park, pendant que le coach marchait lourdement sur le gazon, crachant à l’occasion. Tout ce que X semblait entendre était son père qui continuait de cracher son venin sur Baumbach. Tout ça se déroulait au ralenti à travers les yeux de X qui rougissait de honte un peu plus à chaque minute. Le soleil suspendu derrière le monstre vert dans le ciel orangé, les vendeurs d’arachides qui, pour une fois, faisaient face à la partie eux qui y tournent toujours le dos, l’arrêt-court Raul Ortega qui trotte jusqu’à Baumbach pour lui donner une petite tape sur l’arrière-train pendant que Dennis Peverley le frappeur au marbre s’entretenait avec l’arbitre. Personne ne se pose aucune question quand le coach s’en va au monticule, tout le monde savait que c’était la fin pour Baumbach, mais personne n’ose jamais l’admettre. Tout le monde gardait sa position et attendait que Malone prenne la balle des mains de Baumbach et qu’il lui donne une tape sur l’épaule, c’est ça le signal, mais durant les secondes qui viennent avant, personne ne bouge, tout le monde attend. Dans ce silence, X était assis gravement pendant que son père l’ignorait complètement, trop heureux pour ses Yankees. X lui pleurait silencieusement pour une balle glissante qui avait cesser de glisser semble t’il…
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